Je danserai avec ton souffle by Fanny Campan

Auteur:Fanny Campan [Fanny Campan]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Auto-Édité
Publié: 2022-06-19T22:00:00+00:00

Conte salé.

C’est pendant la fête, justement, que tout a dérapé. Vous êtes à peine pubères, ne croyez pas que je vais vous raconter les dessous croustillants. J’ai ma pudeur, à mon âge. Mais je constate à la lueur de vos yeux coquins que vous devinez bien ce qui peut se passer derrière les portes d’une chambre. Une chambre parentale laissée libre aux débordements d’une soirée de jeunes gens à l’âge de grâce. Oui, j’ai perdu ma virginité et avec elle mon innocence. Elles ont plié bagage et m’ont laissée seule. Seule. Seule. Peu de temps avant que ce ne soit mon tour de faire ma valise pour le grand voyage qui m’a mené ici, en Normandie. Ma seule et unique virée. Moi qui me figurais Bardamu, j’ai dû me contenter des vaches d’Emma Bovary. Ce qui s’est produit lors de ces agapes anisées avait quelque chose de monstrueux que je n’avais pas soupçonné. Les boules lumineuses et les stroboscopes clignotants ont dévoilé ton autre facette. Mon amour a revêtu une cape malsaine. Car c’est là que j’ai compris : à la vue du corps nu de cet homme que tu étais déjà. C’était, comment dire, déplacé. Bizarre. Cette virilité que je ne mesurais pas. Je n’ai pas su dire non, sans doute, aujourd’hui, je ne m’en souviens pas. Peut-être même ai-je dit oh oui ! Maintenant, tout de suite, pourquoi non ? Sans feinte. C’était donc cela : faire l’amour ? Un acte vécu comme dégradant pour une raison qui s’échappait. Ce corps inapproprié, ce corps étranger soudain immiscé dans le mien. Il est imprimé dans ma chair. Il a creusé ses racines. Ce corps inadapté au mien. J’ai su. J’ai su que tu n’étais pas fait pour moi. Pas maintenant. Que notre union clochait. Que ce n’était pas exactement ce que je voulais, en réalité, lorsqu’en classe, j’attendais que les autres élèves aient le dos tourné pour passer ma langue sur mes lèvres. Petite aguicheuse. Je jouais. Là. Là, là, la. Pas toi ?

Les enfants, il va me falloir un autre chocolat chaud et beaucoup de guimauves à y tremper pour poursuivre mon conte macabre. Je l’aimais, vous comprenez, je l’aimais avant cette nuit débauchée où la vodka ananas remplissait nos gobelets en plastique. Où on écoutait Mc Solaar et Nirvana. Après ? Après, eh bien, je ne sais pas. Tout me semblait noirci. Et froid.

Les vacances de Noël étaient finalement arrivées justes à temps. En classe, j’avais suffoqué les derniers jours lorsque je voyais un planisphère sur le tableau. Quand les listes d’événements historiques importants à apprendre, nous étaient distribuées. Je tremblais par mégarde. Mes mitaines se trouaient, à force que je les ronge d’être interrogée. Tu n’avais rien remarqué de ma froideur subite, tu me lançais des œillades de plus en plus obscènes, tu imaginais que nous étions à présent complices de quelque crime secret. Je sentais ton désir poindre lorsque je me baissais pour ramasser un stylo parterre. Tu observais mes fesses, dans mon dos. Je ne répondais pas à tes baisers muets.

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